Le pouvoir éclairé par la raison
Le jeudi 22 décembre 2022
Entretien avec Ben Glassberg, Directeur musical de La Clémence de Titus
« Vous tissez un lien très intime avec cette œuvre. Pouvez-vous nous le partager ?
La Clémence de Titus est l’œuvre de mes premières fois. C’est avec elle que j’ai fait mes débuts dans la direction d’orchestre, avec elle encore que j’ai ouvert ma première saison à Rouen et que j’ai abordé l’opéra avec l’Orchestre. C’est aujourd’hui l’œuvre que j’ai le plus jouée. Si on ajoute à cela le fait que Mozart est mon compositeur préféré, on peut en effet dire que ce lien est très personnel. La tonicité, la clarté et l’humanité de Mozart m’enchantent à chaque fois !
Découvrez-vous des perspectives nouvelles en dirigeant cette œuvre à nouveau ?
Je découvre surtout de nouveaux détails dans l’expression et les traits des personnages. Par exemple, j’ai dirigé l’opéra avec quatre interprètes de Tito. Le grand ténor Nicky Spence, qui a commencé sa carrière avec des rôles wagnériens, lui a donné une puissance et une noblesse fascinantes. Ed Lyon, qui l’a interprété avec nous sept fois et qui s’est formé avec le baroque, fait entendre un personnage très raffiné et souple. Ces variations montrent à quel point l’écriture de Mozart est riche.
On dit souvent que Mozart explore dans cette œuvre les sentiments humains comme nulle part ailleurs. Comment le percevez-vous ?
On le ressent beaucoup dans les récitatifs accompagnés où la musique sert le texte. Le récitatif de Sesto, avant le premier final, est magnifique dans l’expression de la peur et de l’inquiétude. Celui de Vitellia, à la fin de l’opéra, est sans pareil dans l’ambiguïté de la psychologie du personnage.
Y a-t-il un passage qui vous touche particulièrement ?
J’adore le duo d’Annio et Servilia, plein de fraîcheur et de jeunesse, et le deuxième air de Sesto, bouleversant de désespoir, où il chante le pardon et l’amitié.
Quels aspects avez-vous à cœur d’approfondir avec l’Orchestre de l’Opéra de Rouen, cette fois-ci ?
Dans cette version sans mise en scène, j’espère faire ressortir la force dramatique de l’œuvre et trouver le noyau de chaque expression renfermée dans chacun des airs. Mozart exprime vraiment le drame par la musique et c’est cette écriture incroyable que j’ai envie de faire entendre et de partager.
Comment s’est passé l’enregistrement, fin 2020 ?
C’était un grand projet et un petit miracle car nous l’avons réalisé en plein confinement. Je me souviens qu’en deux jours seulement, nous avons réussi à organiser l’enregistrement avec Alpha Classics, c’était assez inespéré ! C’est sans doute l’étude la plus détaillée que j’ai menée avec l’Orchestre à l’époque. Et c’est à ce moment que je suis véritablement tombé amoureux de l’esprit de travail des musiciens.
Que représente un disque pour vous ?
Une étape. La concrétisation d’un travail à l’instant T. La possibilité de s’exprimer pleinement. Même si j’adore le risque et l’énergie vivante d’une représentation en direct, j’aime la possibilité d’approfondir les détails et de proposer une interprétation qui reste.
Propos recueillis par Vinciane Laumonier • juin 2022
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