Des tentatives d’espoir
Le vendredi 7 octobre 2022
Entretien avec Ben Glassberg, Chef d’orchestre du concert Tchaïkovsky – Rachmaninov
C’est un concert très intense en émotions que vous nous proposez !
En effet, on plonge dans les émotions intimes de compositeurs qui nous emmènent dans de magnifiques introspections musicales. C’est aussi, pour moi, le plaisir de retrouver le public rouennais autour du répertoire russe que nous avions déjà partagé l’an dernier.
Qu’est ce qui qualifie le mieux, pour vous, la Symphonie n°6 de Tchaïkovsky ?
C’est un chef-d’œuvre que Tchaïkovsky écrit à la fin de sa vie. Il est empreint de turbulences et de tourments. On ne peut qu’être ému à son écoute. Je l’ai choisi car j’avais déjà joué la Symphonie n°5 à Rouen et j’en garde un souvenir très lumineux. J’avais envie de renouveler un rendez-vous avec ce compositeur.
Que souhaitez-vous travailler ou faire entendre de cette œuvre ?
L’œuvre se termine dans une dépression aigüe, mêlée de douleur et de déception. La tristesse est totale mais on décèle des moments de vivacité comme des tentatives d’espoir qui sont absolument bouleversants. J’aimerais faire entendre ce jeu entre légèreté et intensité. Le premier et le quatrième mouvement sont très graves et mélancoliques mais les deuxième et troisième mouvements accueillent des passages plus joueurs et colorés.
Comment percevez-vous le Concerto pour piano n°4 de Rachmaninov ?
Ses Concertos n°2 et n°3 sont très souvent joués. Il y a quatre ans, nous avions d’ailleurs donné le Troisième Concerto à Rouen. Le Quatrième Concerto est moins connu. Rachmaninov le compose alors qu’il a dû quitter la Russie et s’installer aux États-Unis. Son écriture est influencée par Hollywood et esquisse des tonalités presque jazz. Cet exil russe a forcément un écho puissant aujourd’hui…
Stephen Hough rejoint l’orchestre, au piano. C’est une pointure. Qu’aimez-vous de son jeu ?
C’était l’interprète idéal pour cette œuvre ! Il a reçu plusieurs distinctions pour ses enregistrements des concertos de Rachmaninov et est reconnu dans le monde entier pour son jeu détaillé. Lui-même est ravi de présenter ce concerto qu’il prend comme un challenge car, en plus d’être peu connu, il n’est pas si évident à jouer. C’est incroyable de recevoir Stephen Hough, ici, à Rouen. C’est, pour moi, un rêve d’enfant !
La compositrice Florence Price complète le trio du concert. En quoi son ouverture répond-elle aux autres œuvres ?
Florence Price est une compositrice afro-américaine, première femme à faire jouer une symphonie par les grands orchestres de son pays. Son œuvre est largement redécouverte en ce moment mais affirmer son talent de compositrice, à l’époque, a été un combat. Son ouverture s’appuie sur des chansons spirituelles qu’elle traite de façon symphonique avec beaucoup de couleurs. C’est une écriture très personnelle. Ces trois œuvres, selon moi, témoignent d’une souffrance, d’un exil ou d’une mise à l’écart dont les compositeurs ont su tirer des sonorités intimement puissantes.
Propos recueillis par Vinciane Laumonier • juin 2022
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