Entre ciel et terre
Le lundi 6 novembre 2023
Entretien avec Thierry Malandain, chorégraphe.
Vous vous emparez de L’Oiseau de feu. Comment l’avez-vous travaillé ?
Je voulais rendre à l’Oiseau du conte originel sa spiritualité biblique de « passeur de lumière », à l’image de François d’Assise, un saint poète de la nature qui me fascine. Maurice Béjart avait fait de l’Oiseau un esprit de la révolution. Sur le même principe, j’en fais un esprit de la foi qui apporte consolation et espoir aux Hommes. Le premier ensemble, vêtu de noir, peut évoquer des gens d’église ou une simple communauté d’hommes parmi laquelle un individu est touché par le message de l’Oiseau. L’Oiseau meurt et son message reste vivant à travers les Franciscains, le ballet qui se met en mouvement.
C’est donc une pièce comme un chemin des ténèbres vers la lumière ?
Elle est, en effet, symbolique et parle d’espoir. Je l’ai écrite à la sortie de la pandémie, une période éprouvante qui appelait à une forme de libération. Les références religieuses font généralement peur mais c’est avant tout la question de l’humanité et de l’élévation dont je me suis saisie.
Une élévation collective, avec des mouvements de groupes très harmonieux…
C’est une pièce qui m’est venue très facilement, sans avoir eu besoin de réfléchir. Je crois que je la portais en moi depuis longtemps. Elle nous emmène entre ciel et terre, dans cette élévation qui caractérise à la fois l’humanité et la danse. Lorsqu’on danse, on quitte le sol pour s’élever en sautant. De même pour notre esprit. Des spécialistes de Stravinsky, qui était un homme très pieux, m’ont dit qu’il aurait adoré cette chorégraphie. Cela m’a beaucoup touché.
Qui est Martin Harriague ?
Martin m’a appelé quand il avait dix-neuf ans. Il suivait des études de droit et voulait devenir danseur. Il a pris des cours avec un de mes amis à Bayonne puis a intégré le Ballet Biarritz Junior et a volé de ses propres ailes, notamment au Kibbutz Dance Company en Israël. En 2016, il a remporté plusieurs prix au Concours Jeunes Chorégraphes. Il est artiste associé depuis trois ans. Nous avons imaginé ce programme mixte autour de Stravinsky en répondant à la commande de Didier Deschamps pour le Théâtre de Chaillot.
Comment ressentez-vous sa chorégraphie du Sacre ?
Sa danse est très énergique et ancrée dans le sol. Martin s’est appuyé sur les intentions de Nicolas Roerich, peintre et ami de Stravinsky qui a participé à l’écriture de l’argument du Sacre, et met en avant les personnages de deux ancêtres. La première fois que j’ai vu sa pièce, je ne l’ai pas comprise. Je la trouve, aujourd’hui, très ingénieuse et singulière. Elle invite à un regard neuf sur ce ballet.
Propos recueillis par Vinciane Laumonier •