Asad Kosha : se sentir libre de se réinventer
Le mercredi 2 mars 2022
Le mercredi 2 mars 2022
Paroles d’Asad Kosha, journaliste réfugié en France
Il y a encore quelques mois, Asad Kosha était journaliste en Afghanistan. Fuyant le régime des Talibans, il est aujourd’hui réfugié en France. Nous lui ouvrons les pages de nos programmes et notre site internet pour vous permettre de découvrir son témoignage lumineux et plein d’espoir.
Quatre jours avant la chute de Kaboul aux mains des Talibans, face au danger imminent, j’ai pris la décision de quitter mon pays pour la France. Dans l’après-midi du 15 août 2021, après avoir reçu un email de David Bobée, j’ai rassemblé mes bagages à la hâte. Craignant de ne jamais pouvoir revenir en Afghanistan, j’ai pris avec moi le portrait de mon grand-père, quelques peintures abstraites et trois copies de livres. J’ai quitté ma maison pour me rendre à l’ambassade France à Kaboul.
L’après-midi du 21 août 2021, avant d’embarquer à bord d’un avion militaire français, je me suis baissé pour ramasser une petite pierre grise. Je l’ai prise dans ma main droite, mise dans ma poche et je me suis juré de passer le reste de ma vie à me battre pour la liberté, la justice et pour un monde plus humain où chacun aurait un foyer. À cet instant, j’ai éprouvé un sentiment mêlé de perte et de renaissance.
Au cours de notre voyage vers la France, le 21 août au soir, je me suis retrouvé dans une base militaire française à Abu Dabi. Assis au coin d’un grand bar militaire, j’ai commencé à méditer sur les mystères de la vie. J’ai d’abord pensé à l’horreur de la guerre et à la difficulté de la vie en exil. Je suis alors tombé dans un profond sommeil. Mais quand je me suis réveillé, au plus profond de mon âme, il y avait un enfant, un enfant optimiste qui m’encourageait à rester fort et à écrire ce nouveau chapitre de ma vie dans ma nouvelle patrie : la France.
En arrivant à Paris, j’ai pleinement pris conscience d’avoir perdu ma terre natale, mon métier et ma langue. Malgré ma connaissance de l’histoire de la France et de certains de ses grands penseurs, être désigné comme « réfugié » m’a fait perdre confiance en moi. En héritant de ce statut, j’ai réalisé à quel point chaque réfugié porte un lourd bagage sur son dos.
Au-delà de la politique et des discours sur l’immigration, il existe un certain plaisir à l’exil qui me rend optimiste. Je commence à me sentir chez moi dans la belle ville de Rouen. Yves Maby, qui nous a ouvert sa maison depuis quatre mois, est aujourd’hui un ami que j’ai l’impression de connaître depuis toujours. Marie-Andrée Malleville, de la mairie de Rouen, nous offre sa profonde bienveillance. Sophie Marand et Claudine Dozoul nous enseignent la langue française et Zohra Amimi est disponible chaque fois que nous avons besoin de son aide. Pour moi, Yves représente la générosité de la France, Marie-Andrée symbolise la coopération, Sophie et Claudine incarnent l’esprit du volontariat en France.
Malgré les défis de la vie quotidienne, j’ai une image très claire de ma nouvelle patrie. C’est une maison où j’apprends la langue française et où je me sens libre de me réinventer. Le plaisir de l’exil réside dans cette réinvention qui façonnera mon avenir et mon identité politique.
Asad Kosha.