Cendrillon à la conquête du bonheur
Le lundi 20 mars 2023
Entretien avec Daniele Menghini, Metteur en scène de Cendrillon ou le Grand Hôtel des songes
Quelles sont les richesses de cet opéra pour vous ? C’est une boîte à musique électrisante, un petit carrousel de perfection. Vous montez dedans et vous ne voulez plus en descendre ! Ce qui me frappe toujours, c’est la liberté avec laquelle Rossini et son librettiste Ferretti traitent le conte de Perrault, abandonnant les citrouilles et chaussures en cristal pour laisser la musique s’emparer de la magie. Il y a aussi beaucoup d’ironie dans la partition qui fait entendre, de manière hilarante, le caractère des personnages. Écoutez le pépiement hystérique des demi-soeurs ou le grognement infantile de Don Magnifico ! La musique, subtile, décrit les sentiments des personnages mais aussi leur démarche, leur attitude. Bref, c’est un tourbillon de plaisir inarrêtable.
Pourquoi avoir choisi le cadre d’un hôtel pour raconter cette histoire ?
Cendrillon, c’est l’histoire d’une rédemption par la rencontre. Le prince ne fait pas attention au tablier sale de la jeune fille et à ses humbles origines. Il reconnait en elle son propre désir de liberté et de bonheur, c’est cette rencontre qui va donner à Cendrillon la force de changer son destin. Quel meilleur endroit qu’un hôtel pour donner vie à une rencontre inattendue ?
Je me suis demandé ce qu’il se passerait si Don Magnifico, après avoir dilapidé l’héritage de Cendrillon pour satisfaire les caprices de ses filles, était obligé de transformer son palais en Grand Hôtel. Notre spectacle est un voyage qui accompagne Cendrillon à la conquête du bonheur, à bord d’un ascenseur magique, des cuisines souterraines aux cheminées du toit, pour s’évader vers les nuages et les rêves.
Qu’est-ce qui vous stimule dans ce projet participatif et pédagogique ? Un public d’enfants de dix ans chantant Rossini à haute voix est une révolution ! L’oeuvre abandonne son caractère exclusif et élitiste pour devenir une matière palpitante qui rassemble une communauté. Pas de tapis rouge ni de noeud papillon, seulement l’énergie anarchique d’enfants qui ne sont pas là pour juger de la qualité d’un ténor mais s’ouvrir à la surprise et vivre une expérience.
Le chant vous semble-t-il être la meilleure porte d’entrée dans le lyrique pour les enfants ? Pour apprécier le théâtre, les enfants doivent en faire partie. La passivité, à cet âge, est stérile. Pour faire entrer un enfant dans la magie du travail, il faut en faire un protagoniste qui doit se retrouver au centre de l’action. Le faire par le chant est certainement une stratégie gagnante. Les enfants mémorisent certains passages de l’opéra et arrivent au théâtre avec l’envie de chanter tous ensemble, à tue-tête, de participer à l’action animée par les chanteurs et comédiens. Lorsque, avec Alidoro, tous les enfants chantent « Le vieux registre », demandant à Don Magnifico d’envoyer Cendrillon au bal, tous sont unis par la magie mystérieuse, et en même temps troublante, qui caractérise encore l’essence du théâtre.
Comment avez-vous adapté l’oeuvre ?
Rendre un opéra accessible à un public d’enfants, c’est d’abord travailler sa durée. Condenser près de trois heures de musique en soixante-quinze minutes est définitivement un défi. Il est nécessaire de ne pas altérer l’intrigue, de sauvegarder le développement dramaturgique de l’oeuvre originale tout en préservant sa nature et son essence. Nous avons procédé en coupant toutes les répétitions, asséchant les terminaisons et éliminant le « superflu ». Le résultat est un pur concentré dans lequel on retrouve tous les numéros musicaux iconiques de l’original, à l’exclusion des deux beaux airs de Don Magnifico qui, bien qu’étant deux petits chefs-d’oeuvre, ne sont pas fondamentaux pour l’architecture dramaturgique générale. Nous avons pensé à transformer tous les récitatifs en dialogues en prose pour rendre la compréhension de l’oeuvre plus immédiate, en les alternant astucieusement avec des numéros musicaux dans le but de rythmer le spectacle.
• Propos recueillis par Vinciane Laumonier
Le saviez-vous ? Gioachino Rossini est l’un des grands maîtres de l’opéra. Il est né en Italie en 1792 et passe quelques années de sa vie en France. Il est notamment connu pour avoir créé trente-neuf opéras. Il est également à l’originie de la recette du tournedos de boeuf Rossini.