La musique de Vivaldi est vivante
Le vendredi 6 décembre 2024
Entretien avec Julien Chauvin & Mourad Merzouki
Comment vous est venue l’idée d’associer la musique de Vivaldi à la danse hip-hop ?
Julien Chauvin : Après avoir enregistré Les Quatre Saisons avec Le Concert de la Loge pour célébrer le tricentenaire de sa composition, j’ai ressenti le désir de revisiter cette œuvre emblématique sous un angle nouveau. L’idée m’est alors venue de créer un format hybride, à mi-chemin entre la mise en scène et le concert, et de regrouper les célèbres Concertos avec des œuvres moins connues, telles que la Sinfonia de L’Olimpiade et la Sonate pour violoncelle en la mineur. La musique de Vivaldi étant intimement liée à la danse, il m’a semblé naturel de proposer ce projet à Mourad Merzouki, avec qui je collabore depuis une dizaine d’années.
Mourad Merzouki : J’ai participé à plusieurs projets autour de la musique baroque, notamment avec le Quatuor Debussy. J’apprécie particulièrement l’idée de fusionner deux mondes, deux cultures distinctes. Les musiciens du Concert de la Loge sont très ouverts à ce type de collaboration, et les échanges se font de manière fluide. Nous en ressortons tous enrichis, les uns des autres.
Vos habitudes ont-elles été bousculées ?
J. C. : C’est vrai que ce projet a apporté des changements dans nos habitudes, même dans les petits détails, comme jouer pieds nus. Mais il y a aussi des aspects plus déterminants qui transforment vraiment notre manière d’interpréter, notamment jouer par cœur. Nous avons l’habitude de jouer avec un pupitre, qui peut parfois créer une barrière entre le musicien et le danseur. En apprenant la musique par cœur et en jouant debout, cela instaure un rapport d’égalité avec le danseur, ce qui est très stimulant. Cela permet aussi une plus grande liberté et génère une énergie supplémentaire.
M. M. : Depuis le début, il existe un fort désir chez ces musiciens de sortir de leur zone de confort. J’ai particulièrement apprécié les voir laisser pleinement place au corps et à la chorégraphie. Les danseurs de hip-hop, habitués à un rythme binaire, ont dû s’adapter à un style musical différent. Mon défi consiste à offrir un spectacle vivant où danse et musique ne font plus qu’un. Cela permet d’élargir l’accès à la musique classique. Grâce à ce projet transversal, différents publics se rencontrent.
Que souhaitez-vous transmettre au public ?
J. C. : Il est indéniable que la musique de Vivaldi est vivante. C’est précisément ce que je souhaitais mettre en avant : transmettre cette musique comme un matériau vivant pour nous. Les thèmes des Quatre Saisons s’accrochent rapidement à notre mémoire. On se surprend souvent à les chantonner, même sans être un connaisseur.
M. M. : Nous n’avons pas cherché à adopter une approche littérale des sonnets qui accompagnent les Quatre Saisons ni à suivre une trame narrative. Notre travail s’apparente plutôt à des tableaux et à une exploration du corps. Nous souhaitons transmettre le plaisir que nous avons éprouvé à collaborer et à être ensemble.
Propos recueillis par Solène Souriau