Serse ou la comédie romantique
Le jeudi 2 février 2023
Entretien Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil > le Lab, Metteurs en scène de Serse
En quoi cette œuvre a-t-elle attiré votre attention ?
Par une succession de malentendus comiques et de folles péripéties, l’intrigue amoureuse se fait de plus en plus complexe jusqu’à en devenir totalement absurde. On se querelle, on se défie, on pleure mais on se réconcilie en musique, au cours d’une grande fête finale. Serse rassemble tous les ingrédients de ce qu’on appelle aujourd’hui une Comédie Romantique ou RomCom, comme le cinéma américain et britannique savent particulièrement bien les réussir.
Qu’est-ce que l’univers urbain du skatepark vous permet d’explorer ?
Il faut se souvenir qu’à l’époque de Haendel on se soucie peu d’exactitude historique. Pour Haendel, un bon livret d’un opéra n’est rien d’autre qu’une extraordinaire machine théâtrale, prétexte à un divertissement efficace par le déchainement des passions musicales. Avec Serse, un groupe de jeunes gens se croisent dans un espace clos, se découvrent et apprennent à s’aimer. La Cour de Serse devient pour nous un majestueux skatepark, comme on en trouve désormais dans toutes les villes modernes. Un espace unique où garçons et filles se retrouvent pour enchaîner les ride mais aussi parader, s’observer et se séduire. Un territoire du sensible où les passions s’expriment toujours à travers la métaphore d’objets roulants. Car, en skate comme en amour, tout est question de rythme et d’équilibre.
Qu’est-ce que la musique de Haendel provoque en vous ?
Bien qu’il se déroule sur fond de cour impériale de l’Antiquité et qu’il invoque l’honneur des puissants, Serse n’est ni un opera seria, ni un banal opéra vénitien satirique. Il renferme un mélange subtil de comédie et de langueur, un humour toujours enveloppé de tendresse, une humeur musicale constamment douce-amère qui font de cette comédie romantique en musique une œuvre proprement unique.
Vous collaborez ici avec une jeune et très belle distribution, comment s’est déroulé le travail ?
Le processus est un peu particulier : trois skateurs semi-professionnels ont été choisis pour évoluer régulièrement au milieu des chanteurs. Mais, tous les jours, les chanteurs ont suivi des séances pour apprendre à se tenir sur les skates et envisager quelques figures. Cette rencontre entre des univers esthétiques et culturels différents est une chose que nous essayons de faire le plus souvent possible. Et ici, nous bénéficions du fait que Jakub Józef Orlińskiest non seulement un contre-ténor de premier plan international, mais aussi un vrai breakdancer !
Propos recueillis par Vinciane Laumonier • 2020
L’esthétique générale évoque les films de Larry Clark ou Gus Van Sant. Les costumes reprennent les codes du streetwear contemporain (sweat à capuche, pantalon baggy) mais avec un côté très couture, par des matériaux d’inspiration baroque (toile de jouy, brocarts). Leurs effets rappellent que le travestissement et l’androgynie sont au cœur de l’intrigue.